Sermon sur l'Epiphanie
Sur la vocation des gentils.
Béni soit Dieu, mes frères, puisqu' il met aujourd' hui sa parole dans ma bouche pour louer
l' oeuvre qu' il accomplit par cette maison ! Je souhaitois il y a long-temps, je l' avoue, d' épancher mon coeur devant ces autels, et de direà la louange de la grâce tout ce qu' elle opèredans ces hommes apostoliques pour illuminer
l' Orient. C' est donc dans un transport de joieque je parle aujourd' hui de la vocation des gentils, dans cette maison d' où sortent les hommes par qui les restes de la gentilité entendent l' heureuse nouvelle.à peine Jésus, l' attente et le désiré des nations, est né ; et voici les mages, dignes prémices des gentils, qui, conduits par l' étoile, viennent le reconnoître.
Bientôt les nations ébranlées viendront en fouleaprès eux ; les idoles seront brisées, et laconnoissance du vrai Dieu sera abondante commeles eaux de la mer qui couvrent la terre. Je vois les peuples, je vois les princes qui adorent dans
la suite des siècles celui que les mages viennent adorer aujourd' hui. Nations de l' Orient, vous y viendrez à votre tour ; une lumière, dont celle de l' étoile n' est qu' une ombre, frappera vos yeux, et dissipera vos ténèbres. Venez, venez, hâtez-vous de venir à la maison du Dieu de Jacob. ô église ! ô Jérusalem ! Réjouissez-vous, poussez des cris de joie. Vous qui étiez stérile dans ces régions ; vous qui n' enfantiez pas, vous aurez dans cette extrémité de l' univers des enfans innombrables. Que votre fécondité vous étonne : levez les yeux tout autour, et voyez : rassasiez vos yeux de votre gloire ; que votre coeur admire et s' épanche : la multitude des peuples se tourne vers vous, les îles viennent, la force des nations vous est donnée : de nouveaux mages, qui ont vu l' étoile du Christ en Orient, viennent du fond des Indes pour le hercher. Levez-vous, ô Jérusalem ! (...). mais je sens mon coeur ému au dedans de moi-même ; il est partagé entre la joie et la douleur. Le ministère de ces hommes apostoliques et la vocation de ces peuples est le triomphe de la religion : mais c' est peut-être aussi l' effet d' une secrète réprobation qui pend sur nos têtes. Peut-être sera-ce sur nos ruines que ces peuples s' élèveront, comme les gentils s' élevèrent sur celles des juifs à la naissance de l' église. Voici une oeuvre que Dieu fait pour glorifier son évangile : mais n' est-ce point aussi pour le transférer ?
Il faudroit n' aimer point le seigneur Jésus, pour n' aimer pas son ouvrage ; mais il faudroit s' oublier soi-même, pour n' en trembler pas. Réjouissons-nous donc au seigneur, mes frères, au seigneur qui donne gloire à son nom ; mais
réjouissons-nous avec tremblement. Voilà les deux pensées qui rempliront ce discours. Esprit promis par la vérité même à tous ceux qui vous cherchent, que mon coeur ne respire que pour vous attirer au dedans de lui ; que ma bouche
demeure muette, plutôt que de s' ouvrir, si ce n' est à votre parole ! Que mes yeux se ferment à toute autre lumière qu' à celle que vous versez d' en haut ! ô esprit saint, soyez vous-même tout en tous : dans ceux qui m' écoutent, l' intelligence, la sagesse, le sentiment ; en moi, la force, l' onction, la lumière ! Marie, priez pour nous. (...).
Premier point.
Quelle est, mes frères, cette Jérusalem dont le prophète parle ; cette cité pacifique dont les portes ne se ferment ni jour ni nuit, qui suce le lait des nations, dont les rois de la terre sont les nourriciers et viennent adorer les sacrés vestiges ? Elle est si puissante, que tout royaume qui ne lui sera pas soumis périra ; et si heureuse, qu' elle n' aura plus d' autre soleil que Dieu, qui fera luire sur elle un jour éternel. Qui ne voit que ce ne peut être cette Jérusalem rebâtie par les juifs ramenés de Babylone, ville foible, malheureuse, souvent en guerre, toujours en servitude sous les perses, les grecs, les romains ; enfin sous ces derniers réduite en cendres, avec une dispersion universelle de ses enfans, qui dure encore depuis seize siècles ? C' est donc manifestement hors du peuple juif qu' il faut chercher l' accomplissement des promesses dont il est déchu. Il n' y a plus d' autre Jérusalem que celle d' en haut, qui est notre mère, selon saint Paul : elle vient du ciel, et elle enfante sur la terre. Qu' il est beau, mes frères, de voir comment les promesses se sont accomplies en elle ! Tel étoit le caractère du messie, qu' il devoit, non pas subjuguer par les armes, comme les juifs charnels le prétendoient grossièrement, mais, ce qui est infiniment plus noble, et plus digne de la magnificence des promesses, attirer, par sa puissance sur les coeurs, sous son règne d' amouret de vérité, toutes les nations idolâtres.
Jésus-Christ naît, et la face du monde se renouvelle. La loi de Moïse, ses miracles, ceux des prophètes, n' avoient pu servir de digue contrele torrent de l' idolâtrie, et conserver le culte du vrai Dieu chez un seul peuple resserré dans
un coin du monde : mais celui qui vient d' en haut est au-dessus de tout ; à Jésus est réservé de posséder toutes les nations en héritage. Il les possède, vous le voyez. Depuis qu' il a été élevé sur la croix, il a attiré tout à lui. Dès
l' origine du christianisme, saint Irénée et Tertullien ont montré que l' église étoit déjà plus étendue que cet empire même qui se vantoit d' être lui seul tout l' univers. Les régions sauvages et inaccessibles du Nord, que le soleil éclaire à peine, ont vu la lumière céleste. Les plages brûlantes d' Afrique ont été inondées des torrens de la grâce. Les empereurs mêmes sont devenus les adorateurs du nom qu' ils blasphémoient, et les nourriciers de l' église dont ils versoient le sang. Mais la vertu de l' évangile ne doit pas s' éteindre après ces premiers efforts ; le temps ne peut rien contre elle : Jésus-Christ, qui en est la source, est de tous les temps ; il étoit hier, il est aujourd' hui, et il sera aux siècles des siècles.
Aussi vois-je cette fécondité qui se renouvelle toujours ; la vertu de la croix ne cesse d' attirer tout à elle.
Regardez ces peuples barbares qui firent tomberl' empire romain. Dieu les a multipliés, et tenus en réserve sous un ciel glacé, pour punir Rome païenne et enivrée du sang des martyrs : il leur lâche la bride, et le monde en est inondé. Mais, en renversant cet empire, ils se soumettent à celui du sauveur ; tout ensemble ministres desvengeances et objets des miséricordes, sans lesavoir, ils sont menés, comme par la main, au-devant de l' évangile ; et c' est d' eux qu' on peut dire à la lettre qu' ils ont trouvé le Dieu qu' ils ne cherchoient pas. Combien voyons-nous encore de peuples que l' église a enfantés à Jésus-Christ depuis le huitième siècle, dans ces temps même les plus malheureux, où ses enfans révoltés contre elle n' ont point de honte de lui reprocher qu' elle a été stérile et répudiée par son époux ! Vers le dixième siècle, dans ce siècle dont on exagère trop les malheurs, accourent en foule à l' église, les uns sur les autres, l' allemand, de loup ravissant devenu agneau, le polonois, le poméranien, le bohémien, le hongrois conduit aux pieds des apôtres par son premier roi saint étienne. Non, non, vous le voyez, la source des célestes bénédictions ne tarit point. Alorsl' époux donna de nouveaux enfans à l' épouse, pour la justifier, et pour montrer qu' elle ne cesse point d' être son unique et sa bien-aimée. Mais que vois-je depuis deux siècles ? Des régions immenses qui s' ouvrent tout-à-coup ; un nouveau monde inconnu à l' ancien, et plus grand que lui.Gardez-vous bien de croire qu' une si prodigieuse
découverte ne soit due qu' à l' audace des hommes.Dieu ne donne aux passions humaines, lors même qu' elles semblent décider de tout, que ce qu' il leur faut pour être les instrumens de ses desseins : ainsi l' homme s' agite, mais Dieu le mène. La foi plantée dans l' Amérique, parmi tant d' orages, ne esse pas d' y porter des fruits.
Que reste-t-il ? Peuples des extrémités del' Orient, votre heure est venue. Alexandre, ce onquérant rapide, que Daniel dépeint comme ne touchant pas la terre de ses pieds, lui qui fut si jaloux de subjuguer le monde entier, s' arrêta bien loin au-deçà de vous : mais la charité va plus loin que l' orgueil. Ni les sables brûlans, ni les déserts, ni les montagnes, ni la distance des lieux, ni les tempêtes, ni les écueils de tant de mers, ni l' intempérie de l' air, ni le milieu fatal de la ligne, où l' on découvre un ciel nouveau, ni les flottes ennemies, ni les côtes barbares, ne peuvent arrêter ceux que Dieu envoie.
Qui sont ceux-ci qui volent comme les nuées ? vents, portez-les sur vos ailes. Que le Midi, que l' Orient, que les îles inconnues les attendent, et les regardent en silence venir de loin. Qu' ils sont beaux les pieds de ces hommes qu' on voit venir du haut des montagnes apporter la paix, annoncer les biens éternels, prêcher le salut, et dire : ô Sion, ton Dieu règnera sur toi ! Les voici ces nouveaux conquérans, qui viennent sans armes, excepté la croix du sauveur. Ils viennent, non pour enlever les richesses et répandre le sang des vaincus, mais pour offrir leur propre sang et communiquer le trésor céleste.
Peuples qui les vîtes venir, quelle fut d' abord votre surprise, et qui peut la représenter ? Des hommes qui viennent à vous sans être attirés par aucun motif ni de commerce, ni d' ambition, ni de curiosité ; des hommes qui, sans vous avoir jamais vus, sans savoir même où vous êtes, vous aiment tendrement, quittent tout pour vous, et vous cherchent au travers de toutes les mers avec tant de fatigues et de périls, pour vous faire part de la vie éternelle qu' ils ont découverte ! Nations ensevelies dans l' ombre de la mort, quelle lumière sur vos têtes ! à qui doit-on, mes frères, cette gloire et cette bénédiction de nos jours ? à la compagnie de Jésus, qui, dès sa naissance, ouvrit, par le secours des portugais, un nouveau chemin à l' évangile dans les Indes. N' est-ce pas elle qui a allumé les premières étincelles du feu de l' apostolat dans le sein de ces hommes livrés à la grâce ? Il ne sera jamais effacé de la mémoire des justes le nom de cet enfant d' Ignace, qui, de la même main dont il avoit rejeté l' emploi e la confiance la plus éclatante, forma une
petite société de prêtres, germes bénis de cettecommunauté.
ô ciel, conservez à jamais la source d' une grâce si abondante, et faites que ces deux corps portent ensemble le nom du seigneur Jésus à tous les peuples qui l' ignorent !
Parmi ces différens royaumes où la grâce prend diverses formes selon la diversité des naturels, des moeurs et des gouvernemens, j' en aperçois un qui est le canal de l' évangile pour les autres. C' est à Siam que se rassemblent ces hommes de Dieu ; c' est là que se forme un clergé composé de tant de langues et de peuples sur qui doit découler la parole de vie ; c' est là que commencent à s' élever jusquedans les nues des temples qui retentiront des divins cantiques.
Grand roi, dont la main les élève, que tardez-vous à faire au vrai Dieu, de votre coeur même, le plus agréable et le plus auguste de tous les temples ? Pénétrans et attentifs observateurs, qui nous montrez un goût si exquis ; fidèles ministres, qu' il a envoyés du lieu où le soleil se lève jusqu' à celui où il se couche, pour voir Louis, rapportez-lui ce que vos yeux ont vu : ce oyaume fermé, non comme la Chine, par une simple muraille, mais par une chaîne de places fortifiées qui en rendent les frontières inaccessibles ; cette majesté douce et pacifique qui règne au dedans ; mais surtout cette piété qui cherche bien plus à faire régner Dieu que
l' homme. Sache par nos histoires la postérité la plus reculée, que l' indien est venu mettre aux pieds de Louis les richesses de l' aurore en reconnoissance de l' évangile reçu par ses soins ! Encore n' est-ce pas assez de nos histoires ; fasse le ciel qu' un jour, parmi ces peuples, les pères attendris disent à leurs enfans pour les instruire : autrefois, dans un siècle favorisé de Dieu, un roi nommé Louis, jaloux d' étendre les conquêtes de Jésus-Christ bien loin au-delà des siennes, fit passer de nouveaux apôtres aux Indes ; c' est par là que nous sommes chrétiens ; et nos ancêtres accoururent d' un bout de l' univers à l' autre pour voir la sagesse, la gloire et la piété qui étoient dans cet homme mortel !
Sous sa protection, que la distance des lieux ne peut affoiblir ; ou plutôt (car à Dieu ne plaise que nous mettions notre espérance ailleurs qu' en la croix ! ) ou plutôt, par la vertu toute-puissante du nom de Jésus-Christ, évêques, prêtres, allez annoncer l' évangile à toute créature. J' entends la voix de Pierre qui vous envoie et qui vous
anime. Il vit, il parle dans son successeur ; son zèle et son autorité ne cessent de confirmer ses frères. C' est de la chaire principale, c' est du centre de l' unité chrétienne que sortent les rayons de la foi la plus pure et la plus féconde, pour percer les ténèbres de la gentilité. Allez donc, anges prompts et légers ; que sous vos pas les montagnes descendent, que les vallées se comblent, que toute chair voie le salut de Dieu.
Frappe, cruel Japon ; le sang de ces hommes apostoliques ne cherche qu' à couler de leurs veines, pour te laver dans celui du sauveur que tu ne connois pas. Empire de la Chine, tu ne pourras fermer tes portes. Déjà un saint pontife, marchant sur les traces de François-Xavier, a béni cette terre par ses derniers soupirs. Nous l' avons vu, cet homme simple et magnanime, qui revenoit tranquillement de faire le tour entier du globe terrestre. Nous avons vu cette vieillesse prématurée et si touchante, ce corps vénérable, courbé, non sous le poids des années, mais sous celui de ses pénitences et de ses travaux ; et il sembloit nous dire à nous tous, au milieu desquels il passoit sa vie, à nous tous qui ne pouvions nous rassasier de le voir, de l' entendre, de le bénir, de goûter l' onction et de sentir la bonne odeur de Jésus-Christ qui étoit en lui ; il sembloit nous dire : maintenant me voilà, je sais que vous
ne verrez plus ma face. Nous l' avons vu qui venoit de mesurer la terre entière : mais son coeur, plus grand que le monde, étoit encore dans ces régions si éloignées. L' esprit l' appeloit à la Chine ; et l' évangile, qu' il devoità ce vaste empire, étoit comme un feu dévorant au fond de ses entrailles, qu' il ne pouvoit plusretenir.
Allez donc, saint vieillard, traversez encore une fois l' océan étonné et soumis ; allez au nom de Dieu. Vous verrez la terre promise ; il vous sera donné d' y entrer, parce que vous avez espéré contre l' espérance même. La tempête, qui devoit causer le naufrage, vous jettera sur le rivage désiré. Pendant huit mois votre voix mourante fera retentir les bords de la Chine du nom de Jésus-Christ. ô mort précipitée !
ô vie précieuse, qui devoit durer plus long-temps ! ô douces espérances tristement enlevées ! Mais adorons Dieu, taisons-nous.
Voilà, mes frères, ce que Dieu a fait en nos jours pour faire taire les bouches profanes et impies. Quel autre que Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, auroit osé promettre qu' après son supplice tous les peuples viendroient à lui, et croiroient en son nom ? Environ dix-sept siècles après sa mort, sa parole est encore vivante et féconde dans toutes les extrémités de la terre. Par l' accomplissement d' une promesseinouie et si étendue, Jésus-Christ montre qu' il tient dans ses mains immortelles les coeurs de toutes les nations et de tous les siècles.Par là nous montrons encore la vraie église à nos frères errans, comme saint Augustin la montroit aux sectes de son siècle. Qu' il est beau, mes frères, qu' il est consolant de parler le même langage, et de donner précisément les mêmes marques de l' église que ce père donnoit il y atreize cents ans ! C' est cette ville située sur le sommet de la montagne, qui est vue de loin par tous les peuples de la terre ; c' est ce royaume de Jésus-Christ, qui possède toutes les nations ; c' est cette société la plus répandue, qui seule a la gloire d' annoncer Jésus-Christ aux peuples idolâtres ; c' est cette église, qui non-seulement doit être toujours visible, mais toujours la plus visible et la plus éclatante : car il faut que la plus grande autorité extérieure et vivante qui soit parmi les chrétiens, mène sûrement et sans discussion les simples à la vérité : autrement la providence se manqueroit à elle-même ; elle rendroit la religion impraticable aux simples ; elle jetteroit les ignorans dans l' abîme des discussions et des incertitudes des philosophes ; elle n' auroit donné le texte des écritures, manifestement sujet à tant d' interprétations différentes, que pour nourrir l' orgueil et la division. Que deviendroient les ames dociles pour autrui, et défiantes d' elles-mêmes, qui auroient horreur de préférer leur propre sens à celui de l' assemblée la plus digne d' être crue qu' il y ait sur la terre ? Que deviendroient les humbles, qui craindroient avec raison bien davantagede se tromper eux-mêmes, que d' être trompés par l' église ? C' est par cette raison que Dieu, outre la succession non interrompue des pasteurs, naturellement si propre à faire passer la vérité de main en main dans la suite de tous les siècles, a mis cette fécondité si étendue et si singulière dans la vraie église, pour la distinguer de toutesles sociétés retranchées, qui languissent obscures, stériles et resserrées dans un coin du monde. Comment osent-elles dire, ces sectes nouvelles, que l' idolâtrie régnoit partout avant leur réforme ? Toutes les nations ayant été données par le père au fils, Jésus-Christ a-t-il laissé perdre son héritage ? Quelle main plus puissante que la sienne le lui a ravi ? Quoi donc, sa lumière étoit-elle éteinte dans l' univers ?
Peut-être croyez-vous, mes frères, que c' est moi : non, c' est saint Augustin qui parle ainsi aux donatistes, aux manichéens, et, en changeant seulement les noms, à nos protestans.
Cette étendue de l' église, cette fécondité de notre mère dans toutes les parties du monde, ce zèle apostolique qui reluit dans nos seuls pasteurs, et que ceux des nouvelles sectes n' ont pas même entrepris d' imiter, embarrassent les plus célèbres défenseurs du schisme. Je l' ai lu dans leurs derniers livres, ils n' ont pu le dissimuler. J' ai vu même les personnes les plus sensées et les plus droites de ce parti, avouer que cet éclat, malgré toutes les subtilités dont on tâche de l' obscurcir, les frappe jusqu' au coeur, et les attire à nous.
Qu' elle est donc grande cette oeuvre qui consolel' église, qui la multiplie, qui répare ses pertes, qui accomplit si glorieusement les promesses, qui rend Dieu sensible aux hommes, qui montre Jésus-Christ toujours vivant et régnant dans les coeurs par la foi, selon sa parole, au milieu même de ses ennemis ; qui répand en tous lieux son église, afin que tous les peuples puissent l' écouter ; qui met en elle ce signe éclatant que tout oeil peut voir, et auquel les simples sont assurés, sans discussion, que la vérité de la doctrine est attachée ! Qu' elle est grande cette oeuvre ! Mais où sont les ouvriers capables de la soutenir ? Mais où sont les mains propres à recueillir ces riches moissons dont les campagnes de l' Orient sont déjà blanchies ? Jamais la France, il est vrai, n' a eu de plus pressans besoins pour elle qu' aujourd' hui. Pasteurs, rassemblez vos conseils et vos forces pour achever d' abattre ce grand arbre, dont les branches orgueilleuses montoient jusqu' au ciel, et qui est déjà ébranlé jusqu' à ses plus profondes racines. Ne laissez aucune étincelle cachée du feu de l' hérésie prêt à s' éteindre ; ranimez votre discipline ; hâtez-vous de déraciner par la vigueur de vos canons le scandale et les abus ; faites goûter à vos enfans les chastes délicesdes saintes lettres ; formez des hommes qui soutiennent la majesté de l' évangile, et dont les lèvres gardent la science. ô mère, faites sucer à vos enfans les deux mamelles de la science et de la charité. Que par vous la vérité luise encore sur la terre. Montrez que ce n' est pas en vain que Jésus-Christ a prononcé cet oracle pour tousles temps sans restriction : qui vous écoute,
m' écoute . Mais que les besoins du dedansne fassent pas abandonner ni oublier ceux du dehors. église de France, ne perdez pas votre couronne.
D' une main, allaitez dans votre sein vos propres enfans ; étendez l' autre sur cette extrémité de la terre, où tant de nouveaux nés, encore tendres en Jésus-Christ, poussent de foibles cris vers vous, et attendent que vous ayez pour eux des entrailles de mère.
ô vous, qui avez dit à Dieu, vous êtes mon sort et mon héritage, ministres du seigneur, qui êtes aussi son héritage et sa portion, foulez aux pieds la chair et le sang. Dites à vos parens : je vous ignore. Ne connoissez que Dieu, n' écoutez que lui. Que ceux qui sont déjà attachés ici dans un travail réglé, y persévèrent ; car les dons sont divers, et il suffit que chacun suive le sien : mais qu' ils donnent du moins leurs voeux et leurs prières à l' oeuvre naissante de la foi. Que chacun de ceux qui sont libres se dise à soi-même : malheur à moi si je n' évangélise ! Hélas ! Peut-être que tous les royaumes de l' Orient ensemble n' ont pas autant de prêtres qu' une paroisse d' une seule ville. Paris, tu t' enrichis de la pauvreté des nations, ou plutôt, par de malheureux enchantemens, tu perds pour toi-même ce que tu enlèves aux autres : tu prives le champ du seigneur de sa culture ; les ronces et les épines le couvrent : tu prives les ouvriers de la récompense due au travail. Que ne puis-je aujourd' hui, mes frères, m' écrier, comme Moïse aux portes du camp d' Israël : si quelqu' un est au seigneur, qu' il se joigne à moi !
Dieu m' en est témoin, Dieu devant qui je parle,
Dieu à la face duquel je sers chaque jour,
Dieu qui lit dans les coeurs, et qui sonde les reins. Seigneur, vous le savez que c' est avec confusion et douleur qu' admirant votre oeuvre,je ne me sens ni les forces ni le courage d' aller l' accomplir. Heureux ceux à qui vous donnez de le faire ! Heureux moi-même, malgré ma foiblesse et mon indignité, si mes paroles peuvent allumer dans le coeur de quelque saint prêtre cette flamme céleste dont un pécheur comme moi ne mérite pas de brûler.
Par ces hommes chargés des richesses de l' évangile, la grâce croît, et le nombre des croyans se multiplie de jour en jour ; l' église refleurit, et son entière et ancienne beauté se renouvelle. Là on court pour baiser les pieds d' un prêtre quand il passe ; là on recueilleavec soin, avec un coeur affamé et avide, jusqu' aux moindres parcelles de la parole de Dieu qui sort de sa bouche. Là on attend avec impatience, pendant toute la semaine, le jour du seigneur, où tous les frères dans un saint repos se donnent tendrement le baiser de paix, n' étant tous ensemble qu' un coeur et qu' une ame. Là on soupire après la joie des assemblées, après les chants des louanges de Dieu, après le sacréfestin de l' agneau. Là on croit voir encore les travaux, les voyages, les dangers des apôtres, avec la ferveur des églises naissantes. Heureuses, parmi ces églises, celles que le feu de la persécution éprouve pour les rendre plus pures !
Heureuses ces églises, dont nous ne pouvons nous empêcher de regarder la gloire d' un oeil jaloux ! Ony voit des catéchumènes qui désirent de se plonger, non-seulement dans les eaux salutaires, mais dans les flammes du saint-esprit et dans le sang de l' agneau, pour y blanchir leurs robes ; des catéchumènes qui attendent le martyre avec lebaptême.
Quand aurons-nous de tels chrétiens, dont les délices soient de se nourrir des paroles de la foi, de goûter les vertus du siècle futur, et de s' entretenir de leur bienheureuse espérance ? Là ce qui est regardé ici comme excessif, comme impraticable, ce qu' on ne peut croire possible sur la foi des histoires des premiers temps, est la pratique actuelle de ces églises. Là, être chrétien, et ne plus tenir à la terre, est la même chose. Là on n' ose montrer à ces fidèles
enflammés nos tièdes chrétiens d' Europe, de peur que cet exemple contagieux ne leur apprenne à aimer la vie, et à ouvrir leurs coeurs aux joies empoisonnées du siècle. L' évangile dans son intégrité fait encore sur eux toute son impression naturelle. Il forme des pauvres bienheureux, des affligés qui trouvent la joie dans les larmes, et des riches qui craignent d' avoir leur consolation en ce monde ; tout milieu entre le siècle et Jésus-Christ est ignoré ; ils ne savent que prier, se cacher, souffrir, espérer. ô aimable simplicité ! ô foi vierge ! ô joie pure des enfans de Dieu ! ô beauté des anciens jours que Dieu ramène sur la terre, et dont il ne reste plus parmi nous qu' un triste et honteux souvenir ! Hélas ! Malheur à nous ! Parce que nous avons péché, notre gloire nous a quittés, elle s' envole au-delà des mers, un nouveau peuple nous l' enlève. Voilà, mes frères, ce qui doit nous faire trembler.
Second point.
Si Dieu, terrible dans ses conseils sur les enfans des hommes, n' a pas même épargné les branches naturelles de
l' olivier franc, comment oserions-nous espérer qu' il nous épargnera, nous,mes frères, branches sauvages et entées, nous branches mortes, et incapables de fructifier ? Dieu frappe sans pitié son ancien peuple, ce peuple héritier des
promesses, ce peuple race bénite d' Abraham, dont Dieu s' est déclaré le Dieu à jamais ; il le frappe d' aveuglement, il le rejette de devant sa face, il le disperse comme la cendre au vent ; il n' est plus son peuple, et Dieu n' est plus son Dieu ; et il ne sert plus, ce peuple réprouvé, qu' à montrer à tous les autres peuples qui sont sous le ciel, la malédiction et la
vengeance divine qui distille sur lui goutte à goutte, et qui y demeurera jusqu' à la fin. Comment est-ce que la nation juive est déchue de l' alliance de ses pères et de la consolation d' Israël ? Le voici, mes frères. Elle s' est endurcie au milieu des grâces, elle a résisté au saint-esprit, elle a méconnu l' envoyé de Dieu. Pleine des désirs du siècle, elle a rejeté
une rédemption, qui, loin de flatter son orgueil et ses passions charnelles, devoit au contrairela délivrer de son orgueil et de ses passions.
Voilà ce qui a fermé les coeurs à la vérité, voilà ce qui a éteint la foi, voilà ce qui a faitque la lumière luisant au milieu des ténèbres, les ténèbres ne l' ont point comprise. La réprobation de ce peuple a-t-elle anéanti les promesses ?
à dieu ne plaise ! La main du tout-puissant seplaît à montrer qu' elle est jalouse de ne devoir ses oeuvres qu' à elle-même ; elle rejette ce qui est, pour appeler ce qui n' est pas. Le peuple quin' étoit pas même peuple, c' est-à-dire, les nations dispersées, qui n' avoient jamais fait un corps ni d' état ni de religion, ces nations qui vivoient enfoncées dans une brutale idolâtrie,s' assemblent, et sont tout-à-coup un peuple bien-aimé. Cependant les juifs, privés de
la science de Dieu jusqu' alors héréditaire parmi eux, enrichissent de leurs dépouilles toutes les nations. Ainsi Dieu transporte le don de la foi selon son bon plaisir, et selon le profond mystère de sa volonté.
Ce qui a fait la réprobation des juifs (prononçons ici, mes frères, notre jugement, pour prévenir celui de Dieu), ce qui a fait leur réprobation ne doit-il pas faire la nôtre ? Ce peuple, quand Dieu l' a foudroyé, étoit-il plus attaché à la terre que nous, plus enfoncé dans la chair, plus enivré de ses passions mondaines, plusaveuglé par sa présomption, plus rempli de lui-même, plus vide de l' amour de Dieu ?
Non, non, mes frères ; ses iniquités n' étoient point encore montées jusqu' à la mesure des nôtres.Le crime de crucifier de nouveau Jésus-Christ, mais Jésus-Christ connu, mais Jésus-Christ goûté, mais Jésus-Christ régnant parmi nous ; le
crime de fouler aux pieds volontairement notre unique hostie de propitiation et le sang de l' alliance, n' est-il pas plus énorme et plus irrémissible que celui de répandre ce sang, comme les juifs, sans le connoître ?
Ce peuple est-il le seul que Dieu a frappé ? Hâtons-nous de descendre aux exemples de la loinouvelle ; ils sont encore plus effrayans. Jetez,mes frères, des yeux baignés de larmes sur ces vastes régions d' où la foi s' est levée sur nos
têtes, comme le soleil. Que sont-elles devenues ces fameuses églises d' Alexandrie, d' Antioche,de Jérusalem, de Constantinople, qui en avoientd' innombrables sous elles ? C' est là que pendant tant de siècles les conciles assemblés ontétouffé les plus noires erreurs, et prononcé ces oracles qui vivront éternellement ; c' estlà que régnoit avec majesté la sainte discipline, modèle après lequel nous soupirons en vain. Cette terre étoit arrosée du sang des martyrs ; elle
exhaloit le parfum des vierges ; le désert même fleurissoit par ses solitaires : mais tout estravagé sur ces montagnes découlantes de lait et demiel, où paissoient sans crainte les troupeaux d' Israël. Là maintenant sont les cavernes
inaccessibles des serpens et des basilics.
Que reste-t-il sur les côtes d' Afrique, où les assemblées d' évêques étoient aussi nombreuses que les conciles universels, et où la loi de Dieuattendoit son explication de la bouche d' Augustin ? Je ne vois plus qu' une terre encore
fumante de la foudre que Dieu y a lancée Mais quelle terrible parole de retranchement Dieu n' a-t-il pas fait entendre sur la terre dans lesiècle passé ! L' Angleterre, rompant le sacré liende l' unité, qui peut seul retenir les esprits, s' est livrée à toutes les visions de son coeur. Unepartie des Pays-Bas, l' Allemagne, le Danemarck, la Suède, sont autant de rameaux
que le glaive vengeur a retranchés, et qui netiennent plus à l' ancienne tige.
L' église, il est vrai, répare ces pertes : denouveaux enfans, qui lui naissent au-delà des mers,essuient ses larmes pour ceux qu' elle a perdus.Mais l' église a des promesses d' éternité ; et nous,qu' avons-nous, mes frères, sinon des menaces qui nous montrent à chaque pas l' abîme ouvert sousnos pieds ? Le fleuve de la grâce ne tarit point,il est vrai ; mais souvent, pour arroser de nouvelles terres, il détourne son cours, et nelaisse dans l' ancien canal que des sables arides. La foi ne s' éteindra point, je l' avoue ; mais elle n' est attachée àaucun des lieux qu' elle éclaire ; elle laisse
derrière elle une affreuse nuit à ceux qui ont méprisé le jour, et elle porte ses rayons à desyeux plus purs.
Que feroit plus long-temps la foi chez des peuples corrompus jusqu' à la racine, qui ne portent le nomde fidèles que pour le flétrir et le profaner ?
Lâches et indignes chrétiens, par vous le christianisme est avili et méconnu ; par vous lenom de Dieu est blasphémé chez les gentils ; vous n' êtes plus qu' une pierre de scandale à la portede la maison de Dieu, pour faire tomber ceux qui yviennent chercher Jésus-Christ.
Mais qui pourra remédier aux maux de nos églises,et relever la vérité qui est foulée aux pieds dansles places publiques ? L' orgueil a rompu ses digues et inondé la terre ; toutes les conditions sont confondues ; le faste s' appelle politesse, la plus folle vanité une bienséance ; les insensés entraînent les sages, et les rendent semblables à eux ; la mode, si ruineuse par son inconstance et par ses excès capricieux, est une loi tyrannique à laquelle on sacrifie toutes les autres ; le dernier des devoirs est celui de payer ses dettes. Les prédicateurs n' osent plus parlerpour les pauvres, à la vue d' une foule decréanciers dont les clameurs montent jusqu' au ciel. Ainsi la justice fait taire la charité, mais
la justice elle-même n' est plus écoutée. Plutôt que de modérer les dépenses superflues, on refusecruellement le nécessaire à ses créanciers. La simplicité, la modestie, la frugalité, la probité exacte de nos pères, leur ingénuité, leur
pudeur, passent pour des vertus rigides et austères d' un temps trop grossier. Sous prétextede se polir, on s' est amolli pour la volupté, et endurci contre la vertu et contre l' honneur. On invente chaque jour et à l' infini de nouvelles
nécessités pour autoriser les passions les plus odieuses. Ce qui étoit d' un faste scandaleux dans les conditions les plus élevées, il y a quarante ans, est devenu une bienséance pour les plus médiocres. Détestable raffinement de nos
jours ! Monstre de nos moeurs ! La misère et le luxe augmentent comme de concert ; on est prodigue de son bien, et avide de celui d' autrui ; le premier pas de la fortune est de se ruiner. Qui pourroit supporter les folles hauteurs
que l' orgueil affecte, et les bassesses infâmes que l' intérêt fait faire ? On ne connoît plus d' autre prudence que la dissimulation, plus de règle des amitiés que l' intérêt, plus de bienfaits qui puissent attacher à une personne dès qu' on la trouve ou inutile ou ennuyeuse. Les hommes, gâtés jusque dans la moelle des os par les ébranlemens et les enchantemens des plaisirs violens et raffinés, ne trouvent plus qu' une douceur fade dans les consolations d' une vie
innocente ; ils tombent dans les langueurs mortelles de l' ennui dès qu' ils ne sont plus animés par la fureur de quelque passion. Est-ce donc là être chrétien ? Allons, allons dans d' autres terres, où nous ne soyons plus réduits à
voir de tels disciples de Jésus-Christ !
ô évangile ! Est-ce là ce que vous enseignez ? ô foi chrétienne ! Vengez-vous ; laissez une éternelle nuit sur la face de la terre, de cette terre couverte d' un déluge d' iniquité Mais, encore une fois, voyons nos ressources sans nous flatter. Quelle autorité pourra redresser des moeurs si dépravées ? Une sagesse vaine et intempérante, une curiosité superbe et effrénéeemporte les esprits. Le Nord ne cesse d' enfanter de nouveaux monstres d' erreur : parmi ces ruines
de l' ancienne foi, tout tombe, tout tombe comme par morceaux ; le reste des nations chrétiennes en sent le contre-coup ; on voit les mystères de Jésus-Christ ébranlés jusqu' aux fondemens. Des hommes profanes et téméraires ont franchi lesbornes, et ont appris à douter de tout. C' est ce que nous entendons tous les jours ; un bruitsourd d' impiété vient frapper nos oreilles, et nous en avons le coeur déchiré. Après s' êtrecorrompus dans ce qu' ils connoissent, ils
blasphèment enfin ce qu' ils ignorent. Prodige réservé à nos jours ! L' instruction augmente, et la foi diminue. La parole de Dieu, autrefois si féconde, deviendroit stérile, si l' impiété l' osoit.
Mais elle tremble sous Louis, et, comme Salomon, il la dissipe de son regard. Cependant, de tous les vices, on ne craint plus que le scandale ; que dis-je ? Le scandale même est au comble ; car l' incrédulité, quoique timide, n' est pas muette ; elle sait se glisser dans les conversations, tantôt sous des railleries envenimées, tantôt sous des questions où l' on veut
tenter Jésus-Christ, comme les pharisiens. En même temps, l' aveugle sagesse de la chair, quiprétend avoir droit de tempérer la religion au gréde ses désirs, déshonore et énerve ce qui reste de foi parmi nous. Chacun marche dans la voie de son propre conseil ; chacun, ingénieux à se tromper, se fait une fausseconscience. Plus d' autorité dans les pasteurs, plus d' uniformité de discipline. Le dérèglement ne secontente plus d' être toléré, il veut être la
règle même, et appelle excès tout ce qui s' y oppose. La chaste colombe, dont le partageici-bas est de gémir, redouble ses gémissemens. Lepéché abonde, la charité se refroidit, les ténèbres s' épaississent, le mystère d' iniquité se
forme ; dans ces jours d' aveuglement et de péché,les élus mêmes seroient séduits, s' ils pouvoient l' être. Le flambeau de l' évangile, qui doit faire le tour de l' univers, achève sa course.
ô dieu ! Que vois-je ? Où sommes-nous ? Le jour de la ruine est proche, et les temps se hâtentd' arriver. Mais adorons en silence et avec tremblement l' impénétrable secret de Dieu.
Ames recueillies, ames ferventes, hâtez-vous de retenir la foi prête à nous échapper. Vous savez que dix justes auroient sauvé la ville abominable de Sodome que le feu du ciel consuma. C' est à vous à gémir sans cesse au pied des autels pour ceux qui ne gémissent pas de leurs misères. Opposez-vous,soyez le bouclier d' Israël contre les traits de
la colère du seigneur ; faites violence à Dieu, il le veut ; d' une main innocente arrêtez le glaivedéjà levé.
Seigneur, qui dites dans vos écritures : ... etc., ne détournez point votre face de dessus nous. Que votre parole croisse dans ces royaumes où vousl' envoyez ; mais n' oubliez pas les anciennes églises dont vous avez conduit si heureusement lamain pour planter la foi chez ces nouveauxpeuples. Souvenez-vous du siége de Pierre,
fondement immobile de vos promesses. Souvenez-vousde l' église de France, mère de celle d' Orient,maison, qui est la vôtre ; des ouvriers qu' elle forme ; de leurs larmes, de leurs prières, de leurs travaux. Que vous dirai-je, seigneur, pour
nous-mêmes ? Souvenez-vous de notre misère et de votre miséricorde. Souvenez-vous du sang de votre fils, qui coule sur nous, qui vous parle en notre faveur, et en qui seul nous nous confions.
Bien loin de nous arracher, selon votre justice, cepeu de foi qui nous reste encore, augmentez-la, purifiez-la, rendez-la vive ; qu' elle perce toutes nos ténèbres ; qu' elle étouffe toutes nos passions ; qu' elle redresse tous nos jugemens, afin qu' après avoir cru ici-bas, nous puissions voir éternellement dans votre sein ce que nous aurons cru. (...).