Cambrai
LA " MERVEILLE DES FLANDRES"
LA CATHEDRALE NOTRE-DAME ET SAINT-JEAN-BAPTISTE.
Eglise située tout près du palais archiépiscopal de Fénelon. Celui ci aimait venir y célebrer la messe tous les samedis à l'autel de Notre Dame de Grâce
La cathédrale de Cambrai a été sans conteste un monument majeur de l’art gothique et elle en représentait l’évolution de ses débuts à l’art rayonnant du XIIIè siècle et même au-delà puisque sa flèche considérée comme l’une des Merveilles des Pays-Bas fut réalisée à la fin du Moyen Age. Elle s’élevait dans la partie occidentale de la ville qui s’abaisse vers l’Escaut, son emplacement est aujourd’hui en grande partie occupé par un jardin public. Vendue comme bien national sous le Directoire, elle fut lentement démolie ; son clocher a cependant failli échapper à cette destruction, il fut question de le transformer en monument érigé à la gloire de Fénelon : le manque d’argent et la tempête du 30 janvier 1809 ruinèrent ce projet. Plusieurs cathédrales avaient précédé celle dont il est ici question ; de celle, romane, édifiée par les évêques Gérard I et Gérard II sont conservés par les musées de Lille et de Cambrai d’admirables fragments de frise et des chapiteaux.
Des textes et surtout des documents iconographiques permettent de restituer de façon assez satisfaisante les dispositions de cette grande œuvre : un plan levé par Boileux à l’époque révolutionnaire, deux dessins d’une précision exceptionnelle réalisés en 1690 par le peintre Van der Meulen , la maquette (détruite mais connue par deux photographies) du plan-relief de la ville levé en 1695 par les ingénieurs militaires, les relevés faits par l’architecte Deswarlez dans le cadre du projet de monument élevé pour Fénelon, enfin une aquarelle réalisée en 1815 par un soldat anglais de l’armée d’occupation constituent les éléments essentiels de ce dossier.
Au lendemain du grave incendie de 1148 qui endommagea la cathédrale romane, sa reconstruction fut entreprise par l’évêque Nicolas de Chièvres et elle débuta par le clocher ; un nouvel incendie en 1161 perturba les travaux, mais la nef put être achevée en 1182 ; les travaux ont dû être menés par grandes tranches horizontales, les dispositions de l’intérieur de la tour étant les mêmes que celles du vaisseau principal. Par ses masses extérieures, une tour centrale flanquée en avant de deux tourelles d’escaliers entre lesquelles se logeait un avant-porche, ce clocher s’apparentait aux réalisations romanes de l’art germanique, mais son traitement intérieur avec ses arcs brisés et ses voûtes d’ogives était déjà marqué par l‘art gothique. L’élévation de la nef était à quatre niveaux, soit des grandes arcades, des tribunes qui présentaient une unique arche, un triforium réduit à une petite arcade en plein cintre par travée, enfin des fenêtres hautes que devaient précéder à l’intérieur une coursière, ce que laisse entendre la forte section des piles dont le noyau s’entourait de seize colonnettes ; ainsi si le triforium possédait un passage, ce qui est probable, la nef de Cambrai aurait été l’une des premières présentant quatre niveaux dont deux dotés d’une coursière interne. Les clefs des voûtes d’ogives se situaient à environ vingt-cinq mètres de hauteur ; cette couverture était épaulée par des arcs-boutants établis légèrement au-dessus des toitures des tribunes, ce qui constituait une étape importante dans l’évolution de cet organe.
Après 1182, on entreprit le transept et la partie occidentale du sanctuaire. Le premier s’achevait par des hémicycles à pans coupés et chacun de ses bras s’entourait d’un déambulatoire, sur leur face orientale se greffait une chapelle à deux niveaux ; les piles des deux rond-points présentaient des schémas originaux, on y avait utilisé le délit et on y avait joué des effets de bichromie en opposant les colonnes de pierre noire se détachant sur le reste du support monté en calcaire. Les tribunes devaient présenter deux baies par travée, le dessin exact du triforium nous échappe mais il est sûr que les fenêtres hautes étaient constituées par des triplets associés à une coursière extérieure ; ce type de baies a fait école dans les pays scaldiens.. De vrais arcs-boutants épaulaient la construction. La croisée était couronnée par une tour-lanterne.
La réalisation du sanctuaire s’est heurtée à des difficultés ; la ville a été troublée par des secousses politiques qui n’ont pris fin qu’avec la loi Godefroy de 1227 ; il semble que l’on se soit aussi heurté à des difficultés financières. Les dates de fondation et de dédicace des chapelles indiquent que le chantier a rapidement progressé à partir de 1240 et de fait les chanoines ont pu prendre possession de leurs stalles en 1251 ; le dessin de Van der Meulen montre que des modifications de programme sont intervenues au niveau de la corniche des chapelles. Le plan de ce sanctuaire s’apparentait à celui de la cathédrale de Reims, mais son élévation devait être fort proche de celle de la nef de la cathédrale d’Amiens ; son triforium n’était pas vitré et ses fenêtres hautes associaient trois formes et trois oculi : son extérieur était très pittoresque avec ses arcs-boutants, ses deux séries de gâbles et ses pinacles. On a attribué ce chœur à Villard de Honnecourt ; en fait plusieurs mains y ont travaillé, le plan qu’a dessiné Villard dans son album est inexact et il n’est pas sûr, tout au contraire, que Villard ait été architecte.
Au XIVèmè siècle le clocher a été surélevé et coiffé d’un flèche remarquable, ces parties ont été modifiées au XVème siècle. Des chapelles se sont greffées sur les flancs de la nef. L’accès à la cathédrale se faisait normalement par deux galeries perpendiculaires à celle-ci ; celle du nord abritait un Couronnement de la Vierge qui pouvait disputer à celui de la cathédrale de Senlis le mérite de l’antériorité.
Jacques THIEBAUT