Demande d'exonération pour le Cateau

L'archevêque de Cambrai, seigneur de la Chatellenie du Cateau Cambrésis adresse une supplique

L'archevêque de Cambrai qui est aussi Seigneur du Cateau-Cambrésis adresse une supplique à administration royale pour obtenir un dégrèvement de la taxe dite de capitationn qui lui parait injustifiée

 

À Nicolas Desmarets' [à Versailles],

9 décembre 1712

 

Monsieur,

 

Quoique je craigne autant que je le dois d'interrompre vos grandes occupations, je crois devoir vous représenter l'état de notre châtellenie du Cateau Cambrésis. Dès que cet archevêché fut vacant, on se hâta de taxer cette châtellenie pour la capitâtion2. Mais après ma nomination j'eus l'honneur de donner au Roi un mémoire, où je montrais que les Rois d'Espagne avaient fait sans aucun prétexte ni ombre de droit la conquête de Cambrai et du Cambrésis sur notre Église, qui en avait la souveraineté, et que pour consoler un peu les archevêques, en les dépouillant, ils avaient cette petite châtellenie du Cateau qui ne consiste qu'en six ou sept villages, dans une absolue franchise et exemption de tout impôt. Sa Majesté ayant examiné mon mémoire dans son Conseil eut la bonté d'ordonner que cette capitation établie sur notre châtellenie contre la franchise dont elle avait toujours. joui du temps des Rois d'Espagne, serait effacée, et qu'il n'en resterait par écrit aucun vestige, qui pût tirer à conséquence pour l'avenir. Ensuite notre châtellenie voulut par reconnaissance pour tant de bonté offrir gratuitement un présent de quatre mille livres par an pendant la guerre. Ces quatre mille livres ont été payées comme un simple présent, sans taxe, sans imposition et sans quittance. Permettez-moi, s'il vous plaît, Monsieur, de vous dire que la châtellenie n'est nullement en état de faire ce présent pour cette année. D'abord l'armée des ennemis, qui y a campé longtemps, y a fait un très grand ravage. Ensuite la nôtre a achevé de ruiner tout. Il n'y a aucune espèce de moisson. Le peuple, loin de pouvoir donner, ne saurait éviter de périr, si on ne lui donne du pain. Je n'ai pas la consolation de pouvoir le secourir, parce que j'ai perdu tout aussi bien que les habitants des lieux, et que j'ai donné aux troupes du Roi mon blé des années précédentes, sans en être payé. L'extrême cherté des grains achève la ruine de ces villages. De plus, les ennemis, en se retirant, ont emmené presque tous les chevaux de charrue. Enfin, Monsieur, on a mis en quartier d'hiver au Cateau une assez grosse garnison; dont la dépense retombe, faute de paiement, sur ce peuple désolé. Les troupes affamées sortent même la nuit, et vont piller les villages voisins. J'espère que vous aurez compassion d'un peuple accablé sans ressource, et que vous ne lui refuserez par votre protection, pour le faire décharger du présent, qu'il a fait jusqu'ici chaque année au Roi. Il ne s'agit ni de quittance, ni d'arrêt de décharge de capitation. Ces formalités ordinaires nous feraient beaucoup plus de mal que de bien. Il ne s'agit que d'un simple présent que nos villages ont donné, avec empressement, quand ils l'ont pu, et qu'ils ne donnent point, quand ils sont dans une évidente impuissance de le faire. Un mot que vous aurez la bonté d'écrire à M. de Bernières notre intendant pour empêcher qu'on ne demande les quatre mille livres, suffira. Il est capital qu'on n'y mette point la forme d'une décharge d'impôt. Je suis avec le zèle le plus sincère, Monsieur, votre très humble, et très obéissant serviteur.

 

 

François, archevêque-duc de Cambrai -

 

Correspondance

  1. Contrôleur général des Finances de 1708 à 1715 et neveu de Colbert.
  2.  Impôt levé par individu.